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Sorties livres. « Le printemps reviendra », de Nour Malowé : courage et résilience à Kaboul

l’essentiel C’est l’un des textes les plus poignants de cette rentrée littéraire. « Le printemps reviendra », de la Toulousaine Nour Malowé, nous conte dans une langue magnifique le combat d’une femme et mère afghane. Vertigineux.

« Ils peuvent tuer toutes les hirondelles, ils n’empêcheront pas la venue du printemps », affirme un beau proverbe afghan. Juillet 2021. Les troupes américaines parties, les Talibans sont aux portes de Kaboul. Un monde est au bord du gouffre. Marwa, une chirurgienne mère de trois adolescents, nous guide dans ce chaos…

« Le printemps reviendra », le 7e roman de la Toulousaine Nora Malowé, publié aux éditions Récamier, est un roman d’une puissance inouïe. La force et la résilience des femmes y sont explorées d’une plume qui oppose aux ténèbres et à l’obscurantisme une poésie sublime, une sensualité irrésistible. Un hymne à la vie poignant, un chant d’amour à lire, relire et faire lire. Rencontre.

La Dépêche du Midi : Ce texte est magnifique et les monologues intérieurs de Marwa terribles et poignants. Pourriez-vous dire, à l’instar de Flaubert à propos d’Emma Bovary : « Marwa, c’est moi » ?

Nour Malowé : Elle ressemble à beaucoup de personnes que j’ai connues et, bien sûr, elle a beaucoup de moi. Pour autant, je n’ai pas le courage qu’elle a. Je travaille avec une équipe mobile contre la précarité psychiatrique et c’est toujours très intense. Depuis plus de trente ans, je travaille auprès de personnes réfugiées et cela m’a amenée à tisser un chemin de pensée : tout nous pousse à montrer nos différences alors qu’après toutes ces années de travail, j’ai compris que nous avions plus de points communs. Nous voulons tous le bonheur et la réussite de nos enfants, nous voulons manger, ne pas avoir froid.

Marwa est courageuse, vous avez raison. La peur, elle la garde pour elle…

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu en moi cette terreur que mon corps était en danger. J’imaginais que, comme au Moyen-Âge, les Anglais allaient venir et je me disais, contre cette horde de guerriers, je ne peux rien. Ces peurs de petite fille, je les ai retrouvées auprès de gens rencontrés dans le monde entier. En 1992, j’ai travaillé avec des réfugiés du Rwanda et mon âme en a été marquée au fer rouge. Je comprends dans ces souvenirs de confidences que l’on ne quitte jamais son pays par volonté, mais par obligation.

Quand, en 2021, les troupes américaines quittent l’Afghanistan et les talibans arrivent sur Kaboul, avez-vous tout de suite « vu » le matériau narratif que vous pourriez utiliser ?

Ah oui, c’est une évidence, je sais. À chaque fois, je sais. Le roman ne s’écrit pas tout de suite mais il me suit et je ne l’abandonne jamais. Ce 4 juillet 2021, j’entends aux infos que les Américains vont partir. Je suis une femme qui connaît les talibans, je sais qu’ils vont revenir. Mais j’ai fait un pacte avec la vie.

Tout au long du roman, la lumière, la beauté, la poésie s’opposent farouchement à l’oppression, l’obscurantisme, la veulerie…

Le texte prend racine dans la réalité, qui est que ces horreurs font hélas partie de notre humanité. Nous ne sommes pas tous des psychopathes, mais il faut nous scruter au quotidien et trouver de l’art dans ce que nous faisons : c’est là la gloire de l’homme. Lorsque je sens que je risque de verser dans la misanthropie, j’ouvre un livre d’art, je regarde des photographies…

L’une des grandes forces de ce roman est son extraordinaire sensualité : Marwa « aime faire l’amour comme toutes les femmes de 50 ans » ; elle évoque son mari « qui sent le tilleul et le citron »… Un autre pied de nez à l’oppression, la négation de l’amour ?

Je ne m’en rends pas bien compte. Parler de l’amour est très difficile, cela a tellement été fait… Pour que la sensualité rende justice aux moments d’intimité du corps (notamment celui des femmes), il faut une véritable situation amoureuse ; les autres mammifères ne peuvent exprimer l’amour par l’art.

L’art aide-t-il à la résilience ? Et celle-ci s’apprend-elle ?

Non, nous ne sommes pas tous égaux par rapport à la résilience, on n’en est pas doté de la même manière, comme l’acuité visuelle ou la volonté… Je connais une femme extraordinaire qui a souffert mais qui a été aimée six ans dans sa vie et cela lui a suffi pour pouvoir se reconstruire. Être aimée d’un amour inconditionnel est un cadeau de la vie. C’est sacré.

« Le printemps reviendra », de Nour Malowé (Éditions Récamier, 288 pages, 20,90€). Nour Malowé sera l’invitée des Journées du Centre Régional du livre jeudi 19 septembre à 9h à la Médiathèque José-Cabanis.

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